Adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies
dans sa résolution 37/7, 48e séance plénière, 28 octobre 1982
PRÉAMBULE
L’Assemblée générale, ayant examiné le
rapport du Secrétaire général relatif au projet révisé de Charte mondiale de la
nature,
Rappelant que, dans
sa résolution 3517 du 30 octobre 1980, elle s’est déclarée persuadée que les
bénéfices qui pouvaient être obtenus de la nature étaient fonction du maintien
des processus naturels et de la diversité des formes de vie et que ces
bénéfices étaient compromis du fait de l’exploitation excessive et de la
destruction des habitats naturels,
Rappelant en outre que,
dans la même résolution, elle a reconnu qu’il était nécessaire de prendre des
mesures appropriées, aux niveaux national et international, pour protéger la
nature et promouvoir la coopération internationale dans ce domaine,
Rappelant que, dans
sa résolution 36/6 du 27 octobre 1981, elle s’est déclarée de nouveau
consciente de l’importance capitale que la communauté internationale attachait
à la promotion et au développement d’une coopération destinée à protéger et à
sauvegarder l’équilibre et la qualité de la nature et a invité le Secrétaire
général à transmettre aux États-Membres le texte de la version révisée du
projet de Charte mondiale de la nature contenu dans le rapport du Groupe
spécial d’experts chargé d’examiner le projet de Charte mondiale de la nature,
ainsi que toutes observations ultérieures des États, en vue d’un examen
approprié par l’Assemblée générale à sa trente-septième session,
Consciente de
l’esprit et des termes de ses résolutions 35/7 et 36/6, dans lesquelles elle a
invité solennellement les États-Membres, dans l’exercice de leur souveraineté
permanente sur leurs ressources naturelles, à mener leurs activités compte tenu
de l’importance suprême de la protection des systèmes naturels, du maintien de
l’équilibre et de la qualité de la nature et de la conservation des ressources
naturelles, dans l’intérêt des générations présentes et à venir,
Ayant examiné le
rapport complémentaire du Secrétaire général
Exprimant ses
remerciements au Groupe spécial d’experts qui, grâce à la tâche accomplie, a
assemblé les éléments requis pour que l’Assemblée générale puisse achever
l’examen du projet révisé de Charte mondiale de la nature et l’adopter à sa
trente-septième session, comme elle l’avait précédemment recommandé,
Adopte et proclame
solennellement la Charte mondiale de la nature qui figure en annexe à la
présente résolution.
48e séance plénière ; 28 octobre 1982
ANNEXE
Charte mondiale de la nature
L'Assemblée générale,
Réaffirmant les
buts fondamentaux de l'Organisation des Nations Unies, en particulier le
maintien de la paix et de la sécurité internationale, le développement des
relations amicales entre les nations et la réalisation de la coopération
internationale pour résoudre les problèmes internationaux dans les domaines
économique, social, culturel, technique, intellectuel ou humanitaire.
Consciente que :
a) L’humanité fait partie de la nature et la
vie dépend du fonctionnement ininterrompu des systèmes naturels qui sont la
source d’énergie et de matières nutritives,
b) La civilisation a ses racines dans la
nature, qui a modelé la culture humaine et influé sur toutes les œuvres
artistiques et scientifiques, et c’est en vivant en harmonie avec la nature que
l’homme a les meilleures possibilités de développer sa créativité, de se
détendre et d’occuper ses loisirs,
Convaincue que :
a) Toute forme de vie est unique et mérite
d’être respectée, quelle que soit son utilité pour l’homme et, afin de
reconnaître aux autres organismes vivants cette valeur intrinsèque, l’homme
doit se guider sur un code moral d’action,
b) L’homme peut, par ses actes ou par leurs
conséquences, transformer la nature et épuiser ses ressources et doit, de ce
fait, pleinement reconnaître qu’il est urgent de maintenir l’équilibre et la
qualité de la nature et de conserver les ressources naturelles,
Persuadée que :
a) Les bienfaits durables qui peuvent être
obtenus de la nature sont fonction du maintien des processus écologiques et des
systèmes essentiels à la subsistance, ainsi que de la diversité des formes
organiques, que l’homme compromet par une exploitation excessive ou par la
destruction de l’habitat naturel,
b) La dégradation des systèmes naturels qui
résulte d’une consommation excessive et de l’abus des ressources naturelles,
ainsi que de l’incapacité d’instaurer parmi les peuples et les États un ordre
économique approprié, conduit à l’effondrement des structures économiques,
sociales et politiques de la civilisation,
c) La course aux ressources rares est
génératrice de conflits tandis que la conservation de la nature et de ses
ressources va dans le sens de la justice et contribue au maintien de la paix,
et elle ne sera assurée que lorsque l’humanité aura appris à vivre en paix et à
renoncer à la guerre et aux armements,
Réaffirmant que
l’homme doit acquérir les connaissances voulues pour maintenir et développer
son aptitude à utiliser les ressources naturelles tout en préservant les
espèces et les écosystèmes dans l’intérêt des générations présentes et futures,
Fermement convaincue
de la nécessité de mesures appropriées, aux niveaux national et international,
individuel et collectif, privé et public, pour protéger la nature et promouvoir
la coopération internationale dans ce domaine,
Adopte, à ces
fins, la présente Charte mondiale de la nature, qui proclame les principes de
conservation ci-après, au regard desquels tout acte de l’homme affectant la
nature doit être guidé et jugé.
I. PRINCIPES GÉNÉRAUX
1. La nature sera
respectée et ses processus essentiels ne seront pas altérés.
2. La viabilité
génétique de la Terre ne sera pas compromise; la population de chaque espèce,
sauvage ou domestique, sera maintenue au moins à un niveau suffisant pour en
assurer la survie: les habitats nécessaires à cette fin seront sauvegardés.
3. Ces principes de
conservation seront appliqués à toute partie de la surface du globe, terre ou
mer: une protection spéciale sera accordée aux parties qui sont uniques, à des
échantillons représentatifs de tous les différents types d’écosystèmes et aux
habitats des espèces rares ou menacées.
4. Les écosystèmes et
les organismes, de même que les ressources terrestres, marines et
atmosphériques qu’utilise l’homme, seront gérés de manière à assurer et
maintenir leur productivité optimale et continue, mais sans compromettre pour
autant l’intégrité des autres écosystèmes ou espèces avec lesquels ils
coexistent.
5. La nature sera
préservée des déprédations causées par la guerre ou d’autres actes d’hostilité.
II. FONCTIONS
6. Dans le processus
de prise de décision, on reconnaîtra qu’il n’est possible de satisfaire aux
besoins de chacun qu’en assurant le fonctionnement adéquat des systèmes
naturels et en respectant les principes énoncés dans la présente Charte.
7. Dans la
planification et l’exécution des activités de développement socio-économique,
il sera dûment tenu compte du fait que la conservation de la nature fait partie
intégrante de ces activités.
8. Dans l’élaboration
de plans à long terme de développement économique, d’accroissement de la
population et d’amélioration des conditions de vie, il sera dûment tenu compte
de la capacité qu’ont les systèmes naturels d’assurer à longue échéance la
subsistance et l’établissement des populations considérées, tout en
reconnaissant que cette capacité peut être développée par la science et la
technique.
9. L’affectation de
parties de la surface du globe à des usages déterminés sera planifiée en tenant
dûment compte des limites physiques, de la productivité et de la diversité
biologiques ainsi que de la beauté naturelle des sites concernés.
10. Les ressources
naturelles ne seront pas gaspillées, mais utilisées avec la mesure que dictent
les principes énoncés dans la présente Charte et ce selon les règles suivantes
:
a) Les ressources biologiques ne seront pas utilisées
au-delà de leur capacité naturelle de régénération:
b) La productivité des sols sera maintenue ou
améliorée par des mesures préservant leur fertilité à long terme et le
processus de décomposition organique et prévenant l’érosion ainsi que toute autre
forme de dégradation;
c) Les ressources qui ne sont pas consommées
par l’usage, y compris l’eau, seront réutilisées ou recyclées ;
d) Les ressources non renouvelables qui sont
consommées par l’usage seront exploitées avec mesure, compte tenu de leur
abondance, des possibilités rationnelles de les transformer à des fins de
consommation et de la compatibilité de leur exploitation avec le fonctionnement
des systèmes naturels.
11. Les activités
pouvant avoir un impact sur la nature seront contrôlées et les meilleures
techniques disponibles, susceptibles de diminuer l’importance des risques ou
d’autres effets nuisibles sur la nature, seront employées ; en particulier :
a) Les activités qui risquent de causer des
dommages irréversibles à la nature seront évitées:
b) Les activités comportant un degré élevé de
risques pour la nature seront précédées d’un examen approfondi et leurs
promoteurs devront prouver que les bénéfices escomptés l’emportent sur les
dommages éventuels pour la nature et, lorsque les effets nuisibles éventuels de
ces activités ne sont qu’imparfaitement connus, ces dernières ne devraient pas
être entreprises;
c) Les activités pouvant perturber la nature
seront précédées d’une évaluation de leurs conséquences et des études
concernant l’impact sur la nature des projets de développement seront menées
suffisamment à l’avance; au cas où elles seraient entreprises, elles devront
être planifiées et exécutées de façon à réduire au minimum les effets nuisibles
qui pourraient en résulter;
d) Les pratiques relatives à l’agriculture,
aux pâturages, à la sylviculture et à la pêche seront adaptées aux
caractéristiques et limites naturelles des zones considérées;
e) Les zones dégradées à la suite d’activités
humaines seront remises en État à des fins conformes à leur potentiel naturel,
et compatibles avec le bien-être des populations affectées.
12. Tout rejet de
substances polluantes dans des systèmes naturels sera évité, et
a) S’il est impossible de l’éviter, ces
substances seront traitées à la source en utilisant les meilleurs moyens
disponibles;
b) Des précautions spéciales seront prises
afin d’empêcher le rejet de déchets radioactifs ou toxiques
13. Les mesures visant
à prévenir, contrôler ou limiter les catastrophes naturelles, les infestations
et les maladies s’adresseront spécifiquement aux causes de ces fléaux et
éviteront de produire des effets secondaires nuisibles pour la nature.
III. MISE EN ŒUVRE
14. Les principes
énoncés dans la présente Charte trouveront leur expression dans la législation
et la pratique de chaque Etat, ainsi qu’au niveau international.
15. Les connaissances
relatives à la nature seront largement diffusées par tous les moyens possibles,
en particulier par l’enseignement mésologique qui fera partie intégrante de l’éducation
générale.
16. Toute
planification comportera, parmi ses éléments essentiels, l’élaboration de
stratégies de conservation de la nature, l’établissement d’inventaires portant
sur les écosystèmes et l’évaluation des effets sur la nature des politiques et
activités projetées : tous ces éléments seront portés à la connaissance du
public par des moyens appropriés et en temps voulu pour qu’il puisse
effectivement être consulté et participer aux décisions.
17. Les moyens
financiers, les programmes et les structures administratives nécessaires pour
atteindre les objectifs de la conservation de la nature seront assurés.
18. On s’efforcera
sans cesse d’approfondir la connaissance de la nature grâce à la recherche
scientifique et de diffuser les informations ainsi obtenues sans restriction
d’aucune sorte.
19. L’État des
processus naturels, des écosystèmes et des espèces sera suivi de près pour
qu’on puisse déceler le plus tôt possible toute dégradation ou menace,
intervenir en temps utile et évaluer plus facilement les politiques et
techniques de conservation.
20. Les activités
militaires préjudiciables à la nature seront évitées.
21. Les États et, dans
la mesure où ils en ont la possibilité, les autres autorités publiques, les
organisations internationales, les particuliers, les associations et les
entreprises :
a) Coopéreront à la conservation de la nature
par des activités communes et autres actions appropriées, notamment par des
échanges d’informations et par des consultations;
b) Etabliront des normes pour les produits et
procédés de fabrication risquant d’avoir des effets nuisibles sur la nature,
ainsi que des méthodes d’évaluation de ces effets;
c) Mettront en œuvre les dispositions
juridiques internationales applicables en vue d’assurer la conservation de la
nature et la protection de l’environnement;
d) Feront en sorte que des activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage aux systèmes naturels situés à l’intérieur d’autres États, ni dans les
zones situées en dehors des limites de juridiction nationale;
e) Sauvegarderont et conserveront la nature
dans les zones au-delà des limites de juridiction nationale.
22. Compte tenu de la
plaine souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, chaque Etat
donnera effet aux dispositions de la présente Charte par ses organes compétents
et en coopération avec d’autres États.
23. Toute personne
aura la possibilité, en conformité avec la législation de son pays, de
participer, individuellement ou avec d’autres personnes, à l’élaboration des
décisions qui concernent directement son environnement et, au cas où celui-ci
subirait des dommages ou des dégradations, elle aura accès à des moyens, de
recours pour en obtenir réparation.
24. Il incombe à
chacun d’agir en conformité avec les dispositions de la présente Charte; chaque
personne, agissant individuellement, en association avec d’autres personnes ou
au titre de sa participation à la vie politique, s’efforcera, d’assurer la réalisation
des objectifs et autres dispositions de la présente Charte.